Document rédigé en Mai 2017.
Bien que les systèmes de radiogoniométrie ne fassent pas partie des instruments de radionavigation (ce sont des systèmes de radiolocalisation), on ne peut pas faire l’impasse sur eux car ils sont les précurseurs des radiocompas.
La radiogoniométrie
Un radiogoniomètre est un appareil qui utilise les propriétés directives d’un système d’aériens afin de déterminer la direction d’arrivée des ondes provenant d’un émetteur. Cette direction coïncide en général avec la direction vraie de l’émetteur, à une certaine erreur près. En anglais on utilise le terme de Directional Finder (DF). Familièrement les initiés utilisent l’abréviation “Gonio”.
Tout radiogoniomètre se compose essentiellement d’un aérien directif et d’un récepteur alimenté par cet aérien, ainsi que d’un système d’indication de l’azimut.
Le radiogoniomètre le plus simple est ainsi constitué :
a) d’un cadre tournant (aérien directif) dont l’axe de rotation est muni d’un disque gradué permettant de repérer l’azimut ;
b) d’un récepteur normal muni d’un casque ou haut-parleur.
Très tôt, dès la découverte des propriétés directives des cadres en radioélectricité, l’idée est venue de les utiliser pour localiser la direction d’une émission. A leurs débuts ils ont surtout été utilisés comme moyens d’aide à la navigation.
Le mobile souhaitant connaitre sa position télégraphiait sa requête sur une fréquence veillée par la station gonio de son choix. La station de radiogoniométrie au sol effectuait le relèvement de l’émission et communiquait, en retour, la valeur du relèvement gonio. En répétant la même manoeuvre avec une autre station gonio connue, le mobile était capable de déterminer sa position avec une assez bonne précision.
Vers le début des années 1900, le trafic s’effectuait en grandes ondes. La station gonio de Ouessant (indicatif FFU) effectuait une dizaine de relèvements gonio par jour.
Le principe même de la mesure nécessitant un opérateur télégraphiques à chaque extrémité de la liaison ajouté au temps nécessaire pour les mesures a fait que ce principe ne convenait guère à l’aviation où la nécessité d’une mesure instantanée se faisait de plus en plus sentir.
On a donc recherché de plus en plus à automatiser le système. C’est ainsi que sont apparus les radiocompas.
Toutefois les “Gonios” n’ont pas disparu. Leur utilité dans le monde aéronautique et naval n’est pas remise en question. Les avancées technologiques ont permis de réaliser des équipements capables de détecter la direction d’une émission connue en quelques dixièmes de secondes. Ainsi un aéronef dont les moyens de radionavigation sont défectueux peut demander un relèvement gonio via la radio aux terrains équipés de ce moyen. Une procédure particulière permet de remettre l’aéronef sur la bonne route.
Nous ne parlerons pas ici des équipements destinés à la guerre électronique dont les buts militaires sont tout autres…
Les radiocompas
En installant le radiogoniomètre dans le mobile et en automatisant la recherche de la direction de l’onde électromagnétique reçue, on a permis une avancée significative :
- Les stations fixes ne nécessitent plus qu’un simple émetteur rayonnant 24/24h (automatique).
- L’opérateur gonio n’est plus nécessaire, ni dans la station fixe, ni à bord du mobile (plus de charges à payer 😀 ).
- conséquence des deux points précédents, un nombre quasi illimité de mobiles peuvent utiliser simultanément les émissions de chaque balise.
- L’affichage du gisement radiocompas (RB ou Gt) est quasi instantané et permanent (rapidité 24/24).
- Coût d’installation très réduit.
Bien entendu tout cela au prix d’une complication technologique dans le récepteur radiocompas à bord du mobile.
En aviation le radiocompas reçois comme acronyme ADF (Automatic Directional Finder en anglais).
L’acronyme NDB est attribué aux stations fixes (Non Directional Beacon en anglais) : balise non directionnelles.
Les radiocompas sont officiellement entrés en service en 1912.
Constituants du système

Balise radiocompas (NDB)
Les balises radiocompas (NDB)
Ce sont des émetteurs sol fixes dont la position géographique et les caractéristiques (fréquence, indicatif, puissance, type) sont connues et publiées.
Leur puissance varie :
- Type L : moins de 50 W.
- Type M : de 50 à 2000 W.
- Type H : plus de 2000 W.
Leur gamme de fréquence s’étend de 180 à 1750 kHz.
Leur modulation est de type A0 (porteuse pure), A1 (modulation par note BF de fréquence fixe).
L’indicatif de la balise est émis périodiquement en morse afin d’identifier avec certitude l’émetteur.
La polarisation est verticale.
Le diagramme de rayonnement est omnidirectionnel.
Ex. pour la balise de Châteaudun :
- Fréquence : 360 kHz
- Indicatif : CDN (en morse).
- Position : 48 3.744049 N 01 21.818397 E (Lat. Long.)
- Type : L
Le récepteur radiocompas (ADF)
L’autre constituant du système est installé à bord du mobile, il comprend :
- 1 x récepteur ADF. Parfois le récepteur est installé en soute de l’aéronef, il est télécommandé par une boîte de commande installée sur la planche radio du cockpit.
- 1 x système d’aériens comprenant 1 cadre et 1 antenne.
- 1 x indicateur de gisement radiocompas (RB ou Gt).

Récepteur ADF d’aviation générale
Ci-dessous un indicateur Radiocompas. Ce modèle comporte :
- Une rose graduée de 0 à 360 °,
- elle indique le cap magnétique (ici 324°),
- le bouton marqué HD permet de l’ajuster pour différentes méthodes de navigation.
- Une aiguille verte, laquelle indique le gisement ADF (RB ou Gt) par rapport au repère orange.
- Par lecture directe sur la couronne elle indique le QDM (sans vent).
- Une aiguille jaune, double destinée à un autre instrument de navigation. Elle peut être raccordée à un deuxième ADF.

Indicateur RMI
Ci-dessous un cadre (statique) de radiocompas monté sur la carlingue d’un aéronef.
La flèche rouge indique le sens de montage (vers le nez de l’aéronef).

Cadre ADF
Indications fournies
Le radiocompas indique le gisement d’une station NDB, c’est à dire l’angle formé entre la ligne de foi du mobile et la demi droite entre le mobile et la station NDB. L’angle se mesure dans le sens des aiguilles d’une montre.

Le gisement ADF
Cette information, transmise à des instruments plus complexes qu’un simple indicateur permet l’affichage de données de navigation plus complexes.
Principe de fonctionnement des radiocompas
Les radiocompas n’ont cessé d’être améliorés depuis leur création. Au début le cadre était orienté par un opérateur à bord de l’aéronef, ensuite on a imaginé des boucles d’asservissement pour faire tourner le cadre et l’arrêter en direction de l’onde radioélectrique reçue. Enfin on a pu remplacer toute la partie électromécanique par un dispositif entièrement statique.
Pour des raisons de coût, seuls les indicateurs en aviation générale conservent un dispositif électromécanique. Pour le reste les écrans à cristaux liquides ont largement conquis leur place.
Les ondes électromagnétiques
Une onde électromagnétique comporte à la fois un champ électrique et un champ magnétique oscillant à la même fréquence. Ces deux champs, perpendiculaires l’un par rapport à l’autre se propagent dans un milieu selon une direction orthogonale (figure ci-dessous).
La propagation de ces ondes s’effectue à une vitesse qui dépend du milieu considéré. Dans le vide, la vitesse de propagation est égale à .
Si l’on introduit un élément conducteur en position verticale dans le champ électrique E, ce conducteur va développer une f.e.m. alternative à ses bornes, en phase avec le champ qui lui a donné naissance, de la forme . C’est une antenne filaire.
Si l’on introduit un solénoïde plat (un cadre) dans le champ magnétique B, ce solénoïde va développer une f.e.m. :
- de la forme
- la phase du signal induit dans le cadre sera décalée de 90° par rapport à la phase du champ magnétique B.
- d’amplitude
,
étant l’angle formé entre le plan du cadre et le plan de l’onde électromagnétique,
En application de la formule ci-dessus on obtient le diagramme de directivité suivant pour le cadre.

Diagramme de directivité d’un cadre
Dans les radiocompas anciens, on utilisait la somme des signaux issus du cadre et de l’antenne, cela donnait un diagramme résultant en forme de cardioïde. Le creux de la cardioïde étant très étroit, il était utilisé pour déterminer avec précision le gisement radiocompas.

Cadre tournant ADF
Les radiocompas modernes ont éliminé au maximum les pièces électromécaniques du récepteur. Il est fait usage de techniques de commutation statique d’aériens pour créer une modulation proportionnelle au gisement ADF.
Les paragraphes suivants décrivent un principe d’architecture courant des radiocompas actuels.
Synoptique d’un radiocompas
La partie aériens (Cadres & Antenne)
Le cadre du radiocompas est constitué de deux enroulements montés en quadrature (Sinus & Cosinus).
Selon l’angle formé entre la direction de l’onde électromagnétique émise par la balise NDB et chaque cadre on obtient les f.e.m. relatives suivantes :
Remarque : à 45° et 225° les f.e.m. induites dans chaque cadre ont la même amplitude.
Circuits de modulation
Lors de la réception d’une onde électromagnétique, les f.e.m. induites dans chaque enroulement sont amplifiées et injectés dans des mélangeurs équilibrés, lesquels assurent une commutation de phase au rythme de signaux carrés fournis par un oscillateur de commutation. Sa fréquence est, en général, comprise entre 30 et 100 Hz. Pour généraliser nous nommerons cette fréquence Fc, sa période Tc = 1/Fc.

Signaux de modulation Fc
Le mélangeur équilibré de l’enroulement cos. reçoit le signal de commutation non déphasé.
Le mélangeur équilibré de l’enroulement sin. reçoit le signal de commutation déphasé de 90°.
En même temps une antenne (aérien omnidirectionnel) capte la même onde radioélectrique. La f.e.m. induite est également amplifiée et corrigée en phase.
Ces 3 signaux sont sommés dans un mélangeur. Suivant leurs phases relatives la somme vectorielle en sortie du mélangeur est la suivante :

Diagrammes de la modulation de phase (exemple RB = 45°)
On a donc créé, en sortie du mélangeur, une modulation de phase telle que .
En appliquant les relations trigonométriques aux graphes précédents, on constate que ce principe donne également naissance à une modulation d’amplitude. Ceci est sans importance car cette modulation parasite sera éliminée dans les étages suivants du récepteur.
La figure ci-dessous représente la somme vectorielle correspondant à un gisement ADF de 160° :

Diagrammes de la modulation de phase (exemple RB = 160°)
Circuits de réception & démodulation
Les signaux HF, modulés en phase, issus du mélangeur sont traités par un récepteur superhétérodyne.
L’étage de détection est constitué par un détecteur de phase qui va démoduler les signaux HF (fréquence intermédiaire du récepteur) pour en extraire un signal de fréquence Frb égale à Fc et dont le déphasage est proportionnel au relèvement ADF.
Un filtre passe-bande centré sur Fc élimine les harmoniques indésirables; il est suivi d’un étage écrêteur-limiteur qui assure une transformation de l’information en signaux rigoureusement carrés.

Relations de phases entre f(RB) et Fc
Le retard entre les signaux Fc et Frb est proportionnel au relèvement ADF selon la relation : (voir
et
ci-dessus).
Avec :
et
en ms,
en degrés.
Par comparaison entre Frb et Sin.Fc, puis entre Frb et Cos.Fc, via une fonction XOR, on obtient deux signaux dont les durées des états hauts sont proportionnels à Sin.RB et Cos.RB.
Calcul du relèvement et affichage
En intégrant les signaux et
, on obtient deux tensions continues proportionnelles à Sin.RB et Cos.RB.
Ensuite on élabore dans un calculateur analogique deux tensions continues proportionnelles à Sin.RB et Cos.RB d’amplitude suffisante pour commander un indicateur.
Remarque : il existe plusieurs familles d’indicateurs pour planche de bord. Certains reçoivent les informations angulaires sous forme de tensions continues, d’autres en courants alternatifs (115 V/400 Hz) et enfin d’autres sous forme de signaux numériques, tels que Bus ARINC-429, MIL-1553, etc.
L’évolution des radiocompas

Un DF V/UHF (30-400 MHz)
Les radiocompas (ADF) décrits ci-dessus travaillent en ondes longues et ondes moyennes qui étaient maîtrisées lors de l’avènement de ce moyen de radionavigation. En plus ces ondes électromagnétiques ont l’avantage de se propager à longue distance ce qui présentait un attrait supplémentaire pour leur utilisation.
Citons comme inconvénients les problèmes de propagation inhérents aux gammes d’ondes utilisées (orages, propagations par rebonds, nuages, etc.) faussant la mesure du gisement.
Néanmoins, les besoins de la navigation aéronautique moderne ont révélé la nécessité de localiser la direction d’autres radiosources :
- SAR (balises de détresse).
- Localisation rapide d’une radiosource.
- Recueil de personnels (activité plutôt militaire).
- Gisement des bouées sous-marines (c’est pas civil 😉 ).
- etc.
L’ensemble de ces besoins a vu le fonctionnement des ADF se déplacer dans des gammes de fréquences VHF et UHF. Les ADF V/UHF sont apparus, l’acronyme DF V/UHF également (DF = Directional Finder).
Globalement le mode d’exploitation reste le même, on sélectionne une fréquence, on s’assure de l’origine de la radiosource (écoute, indicatif, analyse du signal, etc.) puis on passe en Auto et le gisement est envoyé à un indicateur de la planche de bord avion.
Le reste de la manip. dépend entièrement du contexte 😉
Le principe reste, grossièrement, le même : on crée une modulation de phase des signaux radioélectriques reçus et un récepteur les démodule ensuite, les traite, pour les afficher enfin sur un indicateur.
On le voit, le radiocompas est le moyen de radionavigation qui possède la plus grande longévité à ce jour. Il est toujours en service, de nombreuses balises jalonnent terrains et routes aériennes. Leur rusticité et leur faible coût ont permis leur développement.
– Sommaire –