Le système Elektra Sonne / CONSOL

Le système Elektra Sonne / CONSOL

Développé à partir de 1942 par l’Allemagne, le système Elekra – SONNE constitue un des tout premiers systèmes de radionavigation à diagrammes tournants.
Après guerre, les Alliés continuèrent son exploitation sous le nom de CONSOL.
Le système CONSOL a été retiré du service en 1970. L’émetteur Français, situé à Plonéis (29) a été démantelé en 1986.

Son manque de précision et la difficulté à exploiter ses signaux, additionnés à la concurrence naissante de systèmes de navigation à grande distance ont provoqué son déclin.

Le système travaillait dans la bande de fréquences de 192 à 363 kHz.
La modulation était de type A1 (porteuse pure).
La réception des signaux s’effectuait avec un simple récepteur de trafic équipé d’un BFO.
L’information fournie par le système indique le radial sur lequel se trouve le récepteur. La détermination de l’angle nécessite l’usage d’une carte spécifique indiquant les secteurs couverts par chaque station d’émission.

Plusieurs stations ont été installées en Europe et par la suite dans le monde.
Cette répartition des stations d’émission permettait une localisation par triangulation avec plusieurs stations.

Sites Elektra Sonne (date de MàJ inconnue) [1] 

 Les informations transmises

La séquence d’émission (modulation A1) transmise par la station sélectionnée, avait une période de 60 secondes qui décompose ainsi :

Exemples de séquences reçues des stations Elektra Sonne
  1. Après l’indicatif de la station, émettait automatiquement en morse (pour permettre une identification à coup sûr), un silence de 3 secondes est observé. Cela permettait à l’opérateur de se préparer à recevoir la série de traits et points qui vont suivre.
  2. 60 traits et points (au total) vont être émis pendant 30 secondes.
    • Les traits et les points étaient émis alternativement et avaient une amplitude audio relative croissante/décroissante (quand l’amplitude des points augmentait, celle des traits diminuait, et réciproquement).
    • la durée d’émission des points était de 1/8ème de seconde, celle des traits était de 3/8ème de seconde [5].
    • la transition entre la prédominance des traits sur les points (ou l’inverse) était marquée par une tonalité continue qui durait  quelques secondes, elle s’appelait “équisignal”.
    • après l’équisignal, la prédominance audio des points / traits s’inversait.
    • à la fin des 30 secondes, l’opérateur avait reçu un nombre de points et de traits (ou l’inverse) variables selon sa position par rapport à la station. C’est cette information qui, reportée sur une carte spécialement renseignée, lui permettait de connaitre le relèvement de la station.
  3. Une émission continue (sans traits ou points) était suivie de l’indicatif de la station en morse. L’ensemble durait 26 secondes.
  4. une nouvelle séquence pouvait recommencer.
Carte spécifique Sonne – Consol [2]

Le mode d’exploitation est détaillé ici.

Le synoptique de principe

Synoptique de principe d’une station d’émission

Les antennes

Chaque station d’émission comprends 3 antennes espacées chacune de 3\lambda. Si l’on considère une station émettant sur 300 kHz, la longueur d’onde est de

\lambda = \frac{3.10^8 m/s}{3.10^6 Hz} = 1000 m

La base d’antenne s’étendait donc sur approximativement 6 km.
Les 3 antennes étaient alignées et leur orientation était choisie en fonction de la zone que le diagramme de rayonnement devait couvrir.

Plan d’ensemble d’une station Consol [3]

Les antennes étaient constitués de mâts haubanés, d’une hauteur d’environ 100 m.

Une quatrième antenne, située sur une demi droite perpendiculaire à l’alignement des antennes servait pour le monitoring de chaque station.

L’émetteur

Un émetteur, de puissance avoisinant les 1000 à 1500 Watts, alimente en permanence l’antenne A1 disposée au milieu des deux autres antennes.
Il est commandé par un séquenceur qui détermine les périodes de silence ainsi que la “manipulation” de l’indicatif en morse.

 

L’émetteur alimente en outre un déphaseur qui fournit la HF nécessaire aux deux antennes latérales A2 et A3. Le déphasage est de \pm 90°.
Le déphaseur est commandé au rythme d’un générateur de traits et de points; selon l’ordre de ce dernier les déphasages sur A2 et A3 s’inversent.
Sans autre intervention sur le signal HF, le diagramme des 3 antennes s’inverse donc au rythme de ce générateur (voir planche ci-dessous).

Inversions du diagramme de rayonnement des 3 aériens selon traits et points

Ci-dessus le diagramme de rayonnement retourné de 180° selon la commande traits et points :

  • à droite le diagramme de rayonnement de la station lorsqu’elle émet des traits.
  • à gauche le diagramme de rayonnement de la station lorsqu’elle émet des points.

En superposant les deux diagrammes on constate que suivant la position d’un récepteur, celui-ci recevra soit des traits, soit des points ou un son continu (équisignal).
Les deux diagrammes sont émis alternativement au rythme de traits et des points.

Diagramme de rayonnement (données de la station Stavanger)

Faisant suite au déphaseur, deux autres déphaseurs variables ajoutent leur influence au déphaseur précédent, faisant tourner simultanément les deux diagrammes de rayonnement (traits et points) :

  • à une vitesse constante,
  • pendant 30 secondes,
  • avec un angle de rotation d’environ 10°,
  • les deux demi-diagrammes pivotent de manière symétrique (flèches vertes dans la figure ci-dessus)

Note : Ce comportement des réseaux d’aériens est utilisé dans les interféromètres, certains radiogoniomètres, les RADARS à pointage statique. Les aériens sont alors disposés autrement pour obtenir un lobe principal très étroit et des lobes secondaires aussi faibles que possibles. Ces applications arriveront bien plus tard que ce système de radionavigation.

Emetteur de la station de Lugo (Espagne)

A la fin des 30 secondes les lobes émettant des traits ont pris la position des lobes voisins émettant des points et réciproquement.

Un récepteur, quelle que soit sa position (hors secteurs inutilisables), aura donc entendu successivement :

  • une série de traits ou de points (dépend de sa position par rapport à celle des lobes au début de la séquence),
  • un son continu (équisignal),
  • une série de points ou de traits  (dépend de sa position par rapport à celle des lobes au début de la séquence).

Important
Ce dispositif permet seulement de se situer à l’intérieur d’un secteur, mais ne permet pas de savoir dans quel secteur on se trouve. L’opérateur doit donc avoir une notion approximative du lieu où se trouve le récepteur pour choisir la bonne zone de lecture sur la carte [4].

Séquence de points-traits simplifiée

(a) : séquence de traits et points.
(b) : rotation des lobes de rayonnement.
(c) : réception audio sur une ligne d’équisignal.
(d) : réception audio dans un secteur.

Note : La figure ci-dessus ne représente que 12 points-traits dans le but d’assurer la lisibilité de la représentation. Une séquence de points-traits normale comporte 60 couples points-traits.

Après l’émission des points-traits pendant 30 secondes, les antennes A2 et A3 n’émettent plus. Après une période de silence de 1 seconde, seule A1 transmet un signal pur suivi de l’indicatif de la station en code morse.

A la fin de la séquence les déphaseurs sont commandés pour que tous les lobes puissent reprendre leur position de départ.
Un nouveau cycle peut recommencer.

Ci-dessous une liste des émetteurs en 1961 [6]

Liste des stations émettrices CONSOL – 1961 [6]
On constate que le principe décrit précédemment a été conservé mais que d’autres paramètres ont été changés, pour le plus grand plaisir des opérateurs 😀 .

Sources d’erreurs

Plusieurs sources d’erreurs gênaient la réception des signaux et la précision du relèvement.

  1. à l’approche de l’équisignal la différence de puissance audio entre les traits et les points était de plus en plus faible rendant le décompte par l’opérateur difficile. Cette zone d’incertitude était partiellement diminuée par un décompte à la fois des points et des traits (voir le § exploitation). Une bonne oreille était indispensable. C’était l’époque des radiotélégraphistes et les algorithmes de correction d’erreur n’existaient pas : il fallait une bonne oreille 😉 . 95% des erreurs venaient de cette difficulté. Le facteur de bruit du récepteur venait s’ajouter à cette ambiguïté.
  2. Bien que la propagation des champs rayonnés par les aériens était hyperbolique, l’incurvation des courbes à proximité des aériens rendaient le système inexploitable dans une zone d’environ 30 nm. Au-delà les lignes étaient considérées comme des droites.
  3. Les conditions de propagation jouaient également un rôle important. On estimait ces erreurs [7] à :
    • de jour, 50% des relevés à \pm 0,2° pour 0,3% de la distance, 95% des relevés à \pm 0,6° pour 1% de la distance.
    • de nuit, les valeurs ci-dessus sont valides jusqu’à 200 nm, pour une distance comprise entre 200 et 400 nm le interférences entre les ondes de sol et les ondes réfléchies par l’ionosphère nécessitaient l’usage de tables de correction…
    • sur terre et sur mer les conditions de propagation ne sont pas les mêmes des valeurs moyennes d’erreurs ont été établies [6].
      • sur mer, de jour : 700 – 1200 nm.
      • sur mer, de nuit : 770 – 1500 nm.
      • sur terre, de jour : 500 – 700 nm.
      • sur terre, de nuit : 900- 1200 nm.
  4. En regardant la figure représentant les diagrammes de rayonnement des stations émettrices, on s’aperçoit que les lobes sont plus larges lorsqu’on s’écarte de l’axe perpendiculaire à la droite d’alignement des antennes. Le positionnement est donc plus précis dans les secteurs proches de la droite perpendiculaire à l’alignement des antennes. Là aussi des tables de corrections ont été éditées. Après avoir bien compté (et entendu) les traits et les points, l’opérateur n’était pas au bout de ses peines.

Exploitation du système

Le mode opératoire était le suivant [7] :

    1. Accorder le récepteur sur la fréquence de la station Sonne – CONSOL choisie. Régler le BFO pour obtenir une note audio d’environ 1 kHz (utiliser l’émission continue avant la séquence de l’indicatif morse de la station).
    2. Attendre la séquence d’émission de l’indicatif morse de la station, vérifier.
    3. Après le silence de 3 secondes suivant l’émission de l’indicatif, compter le nombre de points (ou de traits) jusqu’à l’équisignal, lequel se traduit par un son continu. Puis compter le nombre de traits (ou de points) jusqu’à la pause de 1 seconde.
    4. A partir des nombres relevés précédemment effectuer une règle de trois pour déterminer la lecture (voir exemples ci-dessous) et la reporter sur la carte du secteur.
    5. Recommencer avec une autre station (si possible perpendiculaire à la précédente) et effectuer un recoupement.

Antenne CONSOL

Exemples

  • Exemple 1

Réception : 12 points, équisignal, 42 traits
Chrs reçus : 12 + 42 = 54
Chrs perdus : 60 – 54 = 6
Valeur probable : (12 + 6/2), (42 + 6/2) \Rightarrow 15 points, 45 traits.

  • Exemple 2

Réception : équisigal, 53 traits
Chrs reçus : 52 traits
Chrs perdus : 60 – 52 = 8
Valeur probable : 8/2 points, (52 + 8/2) \Rightarrow 4 points, 56 traits.

Note : de l’avis de certains anciens, après comptage, recomptage, calculs, corrections et lecture de cartes, la zone d’incertitude représentait environ la moitié d’un département…


Références :

[1] www.bunkerinfo.nl

[2] www.meridienne.org

[3] eclecticomania.com

[4] Radar and Electronic Navigation Par G. J. Sonnenberg

[5] Funknavigation Consol

[6] Radionavigation systems for Aviation and Maritime use – W.Bauss.

[7] CONSOL a Radio Aid to Navigation – Her Majesty’s Stationery Office 1966.

error: Ce contenu est protégé !!